Les NBT, une solution d’avenir pour l’agriculture selon l'OPECST
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Au terme de deux années d’étude, les députés et les sénateurs de l’OPECST (groupe d’étude transpartisan) ont annoncé le 28 mars 2017 qu’ils « soutiennent le développement des nouvelles techniques de sélection végétale ».
Symbole du contrôle démocratique des avancées scientifiques, l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques présente son rapport dédié aux biotechnologies et conclut que les New Breeding Techniques « ne portent pas atteinte à la biodiversité, bien au contraire ».
De fait, « il serait aberrant que des techniques plus précises que les mutations spontanées, celles utilisant des technologies aléatoires de la mutagénèse [employée depuis plus de 50 ans en France], soient soumises à des procédures d’évaluation identiques à celles de la transgénèse », affirment les parlementaires. Dans cette perspective, les auteurs du rapport jugent plus pertinent d’évaluer les produits finaux plutôt que les biotechnologies qui ont permis de les obtenir.
Un travail de fond et de longue haleine
Saisi en février 2015 par le député Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, d’une demande portant sur les enjeux économiques et environnementaux des biotechnologies, l’OPECST a mené une vaste étude sur le rôle de ces nouvelles technologies, aussi bien dans le domaine médical qu’agricole.
Pour parvenir à une compréhension exhaustive des enjeux, les parlementaires, sous la supervision du député socialiste Jean-Yves Le Déaut et de la sénatrice Les Républicains Catherine Procaccia, ont rencontré plus de 200 experts (scientifiques, médecins, représentants de la société civile…), organisé plusieurs auditions publiques contradictoires et conduit une dizaine de déplacements en France et à l’étranger (Etats-Unis, Brésil, Royaume Uni…).
La recherche, étape fondamentale
Que ce soit pour les biotechnologies rouges (médicales), vertes (agricoles), bleues (marines) ou blanches (industrielles), les parlementaires se prononcent contre la mise en place de moratoires au niveau de la recherche. Ils soulignent d’ailleurs que les restrictions émises en France et en Europe ont conduit à une perte d’expertise du vieux continent : fuite des cerveaux, pertes économiques, et surtout incapacité à contrôler et expertiser les biotechnologies développées ailleurs dans le monde.
En outre, les mêmes techniques, à l’exemple de CRISPR-Cas9, ont à la fois des applications dans le domaine de la santé humaine et de l’agriculture, brouillant les limites entre les champs d’application. Les avancées dans un domaine peuvent également avoir un intérêt dans un autre. A ce titre, députés et sénateurs estiment qu’un blocage de la recherche, même partiel, pourrait freiner l’ensemble de la dynamique.
Les NBT, « dans le droit fil de l’histoire de l’agriculture »
Des travaux menés, l’OPECST retient que « si l’on prend les variétés végétales, cela fait près de 10 000 ans que les Hommes ont inventé l’agriculture et les sélectionnent, récolte après récolte, pour améliorer leurs propriétés. Des plantes aussi courantes que le raisin, le maïs ou le blé n’ont rien de naturel, les espèces naturelles dont elles dérivent n’étaient ni comestibles ni cultivables ».
« Par un curieux retour de l’histoire, les nouvelles biotechnologies du XXIe siècle permettent de réaliser des modifications génétiques qui auraient pu arriver naturellement, compte tenu de la variabilité naturelle de tout organisme vivant, et qui sont en partie à la base de l’évolution darwinienne. Les utilisations en agronomie n’ont jamais suivi un processus de sélection naturelle, que cette sélection porte sur des espèces naturelles ou qu’elle soit associée à des modifications supplémentaires (par mutagenèse par exemple) ; l’Homme ne fait là qu’accélérer le cours des choses. Il n’y a aucune raison, aucune fatalité, pour que les nouvelles biotechnologies aillent à l’encontre de la protection de l’environnement ou de la biodiversité ».
Les biotechnologies, « un grand potentiel » pour l’agriculture biologique
En rejetant la dichotomie, celle-là bien artificielle, entre biotechnologie et naturel, l’OPECST ouvre la voie à des pratiques agricoles plus écologiques. Déjà évoquées dans un précédent article, les NBT constituent en effet une opportunité majeure pour l’agriculture biologique : sélection variétale plus rapide, caractéristiques spécifiques (rusticité, résistances aux maladies, conditions pédoclimatiques particulières...).
Dans cette optique, l’OPECST relève qu’Urs Niggli, directeur de l’Institut de recherche sur l’agriculture biologique FIBL (institut commun à la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne, équivalent à l’ITAB français), juge que les NBT ont « un grand potentiel » pour les sélectionneurs et les agriculteurs bio. Cet expert met en avant le paradoxe que l’agriculture conventionnelle pourrait à l’avenir disposer, par exemple, de pommes de terre résistantes aux maladies et aux parasites grâce aux NBT, permettant un abandon complet des produits phytosanitaires, alors que les agriculteurs bio seraient contraints de continuer à utiliser des pesticides, s’ils refusaient ces techniques.
Urs Niggli estime donc « contre-productive » une réglementation des NBT et souligne même que la sélection conventionnelle des plantes présente des risques similaires (aliments allergènes).
Conscients du potentiel environnemental, sanitaire, économique des biotechnologies, les membres de l’OPECST appellent donc l’Etat à engager « le débat public sur les nouvelles biotechnologies, même si elles sont encore à un stade expérimental ». Faute de quoi, la France risque de passer à côté de l’un des principaux moyens de relever les défis du XXIème siècle. Les parlementaires soulignent encore que la FAO évalue à 60% la hausse des rendements nécessaires pour nourrir plus de 9 milliards d’êtres humains en 2050, tout en limitant le changement climatique et les autres impacts de l’homme sur les écosystèmes.
Le rapport de l’OPECST « Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche », 28 mars 2017, est disponible ici.
La synthèse de ce rapport est disponible via le lien ici.