NBT : quelles applications pratiques ?

Alors que la Cour de Justice de l'Union européenne devrait bientôt rendre son verdict sur la réglementation des nouvelles techniques de sélection et que d'autres pays légifèrent, le débat est surtout accaparé par des considérations sémantiques (notamment "comment désigner ces NBT ?"), au point d'occulter l'apport concret des techniques. Cet article se propose donc d'exposer des cas concrets d'utilisation des NBT.

 

  • Lutter contre le gaspillage en rendant les aliments plus durables

 

Le brunissement du champignon de Paris (agaricus bisporus) résulte de l'oxydation des tissus végétaux atteints par une agression extérieure (chocs et contact de l'air une fois le champignon coupé). Il s'agit en fait d'un mécanisme de défense de la plante, activé par l'enzyme polyphénol oxydase (PPO).

 

Yinong Yang, chercheur en pathologie des plantes à l'université de Pennsylvanie, a ainsi utilisé les ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9 pour supprimer les paires de bases du génome du champignon codant pour l'enzyme, réduisant son activité de 30%. En réduisant, voire en stoppant le brunissement, Yinong Yang entend allonger la durée de vie du champignon et lutter contre le gaspillage alimentaire.

 

Approuvé en 2016 par le département américain de l'Agriculture (USDA), il s'agit du premier aliment édité avec CRISPR-Cas9 à avoir été autorisé à la vente aux États-Unis.

 

  • Économiser l'eau dans la fabrication de la bière

 

Le houblon est une plante grimpante entrant dans la composition de la bière, à laquelle elle apporte son parfum, notamment l'amertume (la "bière" sans houblon, faite à partir d'orge, étant qualifiée de cervoise). Alors que la culture du houblon est très gourmande en eau (25 litres d'eau sont nécessaires pour cultiver le houblon contenu dans une pinte de bière, soit un rapport de 50 à 1), deux chercheurs de l'université californienne de Berkeley, Charles Denby et Rachel Li, ont imaginé un substitut sans altérer le goût.

 

Pour ce faire, les deux entrepreneurs (ils ont fondé à l'occasion l'entreprise Lagunitas Brewing Company) ont utilisé CRISPR-Cas9 pour créer des souches de levure de bière produisant notamment du géraniol et du linalol, deux molécules conférant au houblon ses saveurs de rose et de géranium pour la première et de citron et de bergamote pour la deuxième. Au niveau gustatif les résultats sont là, puisqu'à l'issue d'un test à l'aveugle réalisé sur un échantillon de 40 personnes, il ressort que la bière produite à partir de levure modifiée possède un arôme de houblon plus prononcé que la bière classique.

 

Leurs travaux ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature Communications.

 

 

  • Faciliter l'entretien des espaces verts

 

Les nouvelles techniques de sélection ne servent pas uniquement à améliorer l'alimentation (qualités gustatives, résistance aux agressions, etc.) mais aussi à faciliter le travail de certains professionnels. Par exemple, comme l'explique le phytogénéticien Yi Li, chercheur à l'Université du Connecticut, CRISPR peut permettre l'élaboration d'une variété de gazon de petite taille, ayant besoin d'être tondu moins souvent.

 

En effet, comme le rappelle l'étude réalisée par Yijun Wang, Jia Zhao, Wenjie Lu et Dexiang Deng en 2017, la hauteur des plantes est déterminée par une hormone végétale, la gibbérelline, dont la quantité est elle-même contrôlée par le gène GA20-ox. Pour limiter la hauteur du gazon, il suffit donc de modifier l'ADN constituant ce gène afin d'en réduire la production. C'est ce sur quoi travaille actuellement Yi Li, qui espère également mettre au point des variétés de gazon nécessitant moins d'engrais et d'eau.

 

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