Janusz Wojciechowski nommé commissaire européen à l’agriculture : un profil solide mais des interrogations légitimes

  • Christian V.
Janusz Wojciechowski nommé commissaire européen à l’agriculture : un profil solide mais des interrogations légitimes

Au regard de ses déclarations passées à l’encontre de la transgénèse, le probable futur commissaire européen à l’agriculture, le Polonais Janusz Wojciechowski, suscite une certaine inquiétude chez les chercheurs en agronomie et chez la plupart des acteurs du monde agricole.

Spécialiste des questions agricoles et connaisseur des arcanes européennes

Proposé par la Pologne, Janusz Wojciechowski va logiquement devenir le prochain commissaire européen à l’agriculture, après audition et approbation par le Parlement européen. Juriste de formation, il est membre du parti au pouvoir dans son pays Droit et Justice depuis 2009, d’orientation droite conservatrice-eurosceptique et grand favori des prochaines élections parlementaires polonaises en octobre 2019. A noter que Janusz Wojciechowski était auparavant membre du Parti paysan polonais, d’obédience démocrate-chrétienne. Sous cette étiquette, il a été député (1993-1995) puis Vice-président du Parlement polonais entre 2001 et 2004.

Janusz Wojciechowski est loin d’être un novice de la scène politique communautaire. Il est député du parlement européen depuis 2003 et vice-président de la Commission de l’agriculture et du développement rural entre 2004 et 2016, date de son entrée à la Cour des comptes européenne. En 2009, il se fait connaître comme rapporteur des travaux portant sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, défendant des normes plus strictes. Il a également travaillé sur les questions liées à l’élevage de façon générale, les prix des denrées alimentaires et l’étiquetage des aliments bio.

Au sein de la Cour des comptes européenne, Janusz Wojciechowski réalise en 2017 un audit sur la performance de la politique de développement rural de l’Union européenne, mettant en lumière de nombreuses carences, une complexité et un manque de réactivité dans le processus de planification des dépenses.

Un audit pas si désintéressé puisqu’environ 12% de la population active polonaise travaille dans l’agriculture, constituée principalement des petites exploitations familiales. Le secteur a fortement bénéficié des fonds européens lors de l’entrée du pays dans l’UE et en est le plus grand bénéficiaire aujourd’hui. Néanmoins, le défi va être de taille pour le futur commissaire puisque la politique agricole commune est un sujet de tensions récurrentes entre les pays membres.

A noter qu’au moment de l’annonce de la future Commission européenne, la presse a dévoilé que Janusz Wojciechowski était sous le coup d’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude sur des irrégularités présumées concernant le remboursement de frais de voyage. Selon le futur commissaire, qui plaide l’erreur administrative, cela ne concerne que des documents manquant pour une somme de 11 250 euros sur la période 2009-2011.

La question de la transgénèse

En tant que vice-président de la Commission de l’agriculture du Parlement européen, Janusz Wojciechowski s’est plusieurs fois montré très prudent quant aux autorisations à accorder concernant l’utilisation de la transgénèse. Il a ainsi soutenu les appels à plus d’encadrement législatif, voire à un moratoire.

Ainsi, en 2004, lors de l’entrée des nouveaux pays-membres [est-européens] dans l’UE, il appelle ces pays à protéger leurs secteurs agricoles en adoptant de manière « raisonnée » le progrès technique moderne. Selon Janusz Wojciechowski, « nous pouvons produire moins qu’eux [les pays ouest-européens] mais notre nourriture doit être naturelle et pensée dans l’intérêt du consommateur. Seule cette manière peut nous aider à soutenir nos petites exploitations et maintenir l’emploi dans les zones rurales ».

En 2005, lors d’une conférence organisée par l’Assemblée des régions d’Europe et l’association écologiste Les Amis de la terre, portant sur les moyens de sauvegarder une agriculture européenne durable, et auquel Janusz Wojciechowski apportait son patronage, celui-ci se montre très critique concernant le génie génétique. Dans le discours d’ouverture, il déclare que l’utilisation de la transgénèse a pour objectif de produire toujours plus, à des prix de plus en plus bas. Selon lui, cela menace non seulement la santé humaine et la sécurité de l’environnement, mais également les intérêts économiques et sociaux de millions de petits agriculteurs.

Enfin, en 2010, alors que la Pologne réfléchit à autoriser l’utilisation de la transgénèse sur son sol, Janusz Wojciechowski avance que son pays pourrait facilement adopter un moratoire sans crainte d’avertissement de la part de la Commission européenne, à l’image d’autres pays comme l’Autriche, l’Allemagne, la Grèce, la France, la Hongrie et le Luxembourg.

 

A l’heure où l’agriculture européenne est à la croisée des chemins, notamment concernant les enjeux relatifs à la mise en place d’une législation favorable aux nouvelles techniques de sélection, la probable nomination de Janusz Wojciechowski interpelle. Son audition devant le parlement européen, très attendue par le monde de la recherche agronomique comme de l’agriculture en général, permettra peut-être de lever les doutes quant à certains dossiers importants : la future PAC mais également le devenir des NBT en Europe.

 

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