Arrêt de la CJUE : une décision qui interpelle

  • Christian V.
Arrêt de la CJUE concernant les plantes issues des techniques de mutagenèse

Arrêt de la CJUE concernant les plantes issues des techniques de mutagenèse

La principale information de cette quinzaine concerne bien évidemment l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) au sujet de la mutagenèse, provoquant des réactions dans le monde de la recherche, oscillant entre l’incompréhension et le désarroi.

 

L’arrêt de la CJUE

Même si les conséquences de cet arrêt sont difficilement appréciables pour le moment, tout le monde s’accorde à dire qu’elles seront néfastes à terme. Pour rappel, selon l’arrêt de la CJUE, la mutagénèse est concernée par la directive 2001/18 sur les organismes génétiquement modifiés. La CJUE estime que les plantes obtenues par mutagénèse ciblée peuvent être considérées par les Etats-membres de la même manière que celles obtenues par transgénèse. Pis, la CJUE acte que les Etats-membres peuvent aussi réguler les plantes obtenues par mutagénèse aléatoire, pourtant exclues de la directive en raison de leur ancienneté et de leur innocuité.

 

Beaucoup ont mis en avant que la décision de la CJUE risque de déstabiliser l’agriculture européenne, tant bio que conventionnelle, car la mutagénèse aléatoire est utilisée pour énormément de variétés de plantes : tournesol, melon, pommes, etc. Un exemple connu est le blé Renan, issu de mutagénèse, qui est une variété largement utilisée en bio pour sa rusticité. De même, le principal pamplemousse cultivé, le Ruby Red, a aussi été créé dans les années 1980 grâce à cette technique.

 

Des chercheurs unanimes sur les dommages futures

Les déclarations de chercheurs s’inquiétant de cette décision sont nombreuses et unamimes. Sarah Schmidt, travaillant à l’institut de physiologie moléculaire de Düsseldorf (Allemagne) parle ainsi de « coup fatal porté aux biotechnologies végétales en Europe ». Quant à Stefan Jansson, travaillant sur la physiologie des plantes à l’université d’Umeå (Suède), celui-ci met en avant « l'effet paralysant sur la recherche dans les années à venir », comme il y a un effet paralysant, depuis 15 ans, suite à la directive 2001/18 sur les organismes génétiquement modifiés.

 

Et Dirk Inzé, Science Director of the Center for Plant Systems Biology, basé à Gand en Belgique (Vlaams Instituut voor Biotechnologie), de conclure que l’arrêt de la CJUE « conduira à l’arrêt de la si nécessaire innovation agricole » et ce, alors que les défis n’ont jamais été aussi grands : augmentation de la population mondiale, effets du changement climatique, etc.

 

Une décision qui interpelle dans le monde

Rappelant l’opposition des populations européennes aux organismes génétiquement modifiés malgré leur innocuité démontrée par de nombreuses études scientifiques, certains mettent en avant les conséquences de la décision de la CJUE pour l’Afrique. Le continent exportant pour 16 milliards de dollars de denrées agricoles par an, les agriculteurs africains seraient obligés de délaisser les techniques utilisées pour développer de nouvelles variétés végétales, notamment CRISPR.

 

En effet, l’arrêt de la CJUE pourrait être la première étape d'une volonté accrue de traçabilité des organismes génétiquement modifiés, en vue d’une interdiction de production et d’importation sur le sol européen. Comme l’avance Matthew Willmann, directeur du Plant Transformation Facility de l’université de Cornell (Etats-Unis), l’arrêt de la CJUE n’a pas seulement un effet en Europe mais également sur le monde.

 

Aussi, nombreux sont ceux à prédire un véritable exode de la recherche vers des pays plus favorables. Alors que l’arrêt de la CJUE a un « réel impact sur la possibilité de transposer les innovations issues de la recherche sur le terrain, pour créer de nouvelles variétés végétales, […] à plus long terme, on peut certainement s’attendre à un exode de l’innovation vers les Etats-Unis ou la Chine », selon Bruno Studer, professeur au département des sciences environnementales de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

 

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