Conférence européenne sur les NBT : résumé du troisième atelier sur la promotion de l'innovation et l'utilisation sûre des biotechnologies

Jeudi 28 septembre 2017, à l’initiative de la Commission européenne, se tenait à Bruxelles une conférence de haut niveau sur le thème « Biotechnologies modernes en agriculture : ouvrir la voie à une innovation responsable ». Réunissant des experts issus de milieux variés, elle s’est divisée, en plus d’une introduction, en trois ateliers. Cet article retranscrit les propos tenus lors du troisième atelier, sur le thème « Trouver une solution commune : comment promouvoir l’innovation et garantir une utilisation sûre des biotechnologies modernes au sein de l’Union européenne ». Les résumés du premier atelier sur la recherche et l'innovation responsables et du deuxième sur l'articulation entre biotechnologies et changements sociétaux sont aussi disponibles.

 

Cet atelier réunissait : le Lituanien Vytenis Andriukaitis, commissaire européen chargé de la santé et de la sécurité alimentaire ; l’eurodéputée suédoise Jytte Guteland ; l’eurodéputé néerlandais Jan Huitema ; l’Italienne Teresa Babuscio, secrétaire générale de COCERAL (comité européen du commerce des céréales, aliments du bétail, oléagineux, huile d'olive, huiles et graisses et agrofournitures) ; le Portugais Humberto Delgado Rosa, directeur de l’unité Capital Naturel au sein de la DG environnement ; la Française Christine Noiville, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies et l’Allemand Jorgo Riss, directeur de Greenpeace Europe.

Conférence européenne sur les NBT : résumé du troisième atelier sur la promotion de l'innovation et l'utilisation sûre des biotechnologies

Humberto Delgado Rosa est le premier à s’exprimer. Le directeur de l’unité Capital Naturel à la Commission européenne insiste sur l’importance qu’a prise la protection de l’environnement au sein de l’opinion publique. De ce constat, il met en avant les apports de l’innovation, avec d’une part la technologie « solide » (drone, robot, etc.), qui permet une agriculture de précision, et d’autre part les biotechnologies, qui peuvent avoir une incidence sur la durabilité des systèmes agricoles. Selon lui, les différentes techniques et innovations constituent une palette visant à améliorer l’agriculture.

Les êtres humains ne basent pas leur décision sur la raison, l'émotion est aussi très importante

Humberto Delgado Rosa, directeur de l’unité Capital Naturel à la Commission européenne

Il préconise cependant de ne pas faire de promesses, l’engouement qu’elles suscitent n’étant « pas suffisant pour accroître l’acceptation par les citoyens ». D’autant plus qu’il existerait des réticences vis-à-vis des nouvelles technologies en raison du caractère émotionnel lié à la nourriture. Comme le soulignait Phil Hogan lors du deuxième atelier, l’utilisation de biotechnologies dans le secteur de la santé n’inquiète pas les citoyens mais devient tabou lorsqu’elles touchent à l’agriculture.  Humberto Delgado Rosa conclut en expliquant que « les êtres humains ne basent pas leur décision sur la raison » et que pour cette raison (la prise en compte de) « l’émotion est aussi très importante ».

 

 

"Comment s’assurer que les produits qui naissent de ces technologies soient sûrs ?"

 

Interrogée sur la façon d’assurer la sûreté des produits issus des nouvelles techniques, Teresa Babuscio, juriste dans le domaine alimentaire, rappelle l’existence de la loi européenne de 2002, selon laquelle tout produit commercialisé doit être sûr. Pour elle, il est donc nécessaire « d’attendre que la communauté scientifique arrive à des conclusions ». À sa suite, Jorgo Riss considère qu’il faut prioritairement s’interroger sur « quels sont les avantages de cette innovation et à qui s’adressent ces avantages ? ». Le directeur de Greenpeace Europe estime, « malgré des débats sans fin », que les avantages apportés en matière d’alimentation ou d’environnement n’ont « jamais été clairs ». L’eurodéputée suédoise Jytte Guteland reconnaît pour sa part les « occasions qui s’offrent » grâce aux biotechnologies. Toutefois, elle juge nécessaire de « prendre au sérieux » les inquiétudes relatives aux questions de santé et d’environnement.

 

Le député néerlandais Jan Huitema juge quant à lui que la question des risques est délicate, voire peut être trompeuse. Pour étayer son propos, il établit un parallèle avec les voitures : il s’agit de bonnes innovations qui « peuvent être mal utilisées ». De même, il ne s’agit pas de savoir si les nouvelles techniques peuvent être utilisées à des fins malveillantes ou dangereuses mais si elles sont intrinsèquement risquées ou non. Cette interrogation est d’après lui d’autant plus importante qu’il considère qu’il n’existe pas encore de modèle agricole idoine pour « relever les défis de demain » (nourrir le monde, respecter l’environnement, etc.).

 

Christine Noiville, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB), est ensuite revenue sur la particularité de l’organisme qu’elle préside. En effet, à travers son comité scientifique et son comité économique, éthique et social, le HCB décloisonne les débats sur les biotechnologies en mettant autour de la table « tous ceux qui ont un avis, et non pas juste des experts scientifiques ». Selon Christine Noiville, cela permet d’aborder la question des biotechnologies dans sa globalité. Elle note d’ailleurs qu’au-delà de l’avis scientifique, de nombreuses questions émergent sur « la manière » dont les scientifiques pratiquent leurs évaluations. À noter que, peu après la conférence, le HCB a publié son avis sur les NBT, en réponse à une saisine des ministères de l’Environnement et de l’Agriculture. 

 

Suite à ces interventions, le public est interrogé sur l’importance d'un cadre réglementaire pour permettre l’acceptation sociétale des nouveaux produits (cf. Image ci-dessous). Sur une base de quasiment 200 votants, les deux tiers considèrent ce cadre déterminant.

 

Conférence européenne sur les NBT : résumé du troisième atelier sur la promotion de l'innovation et l'utilisation sûre des biotechnologies

Au sein du cadre réglementaire, quel élément serait le plus à même de susciter l'acceptation sociétale ?

 

Suite à cette question, les panélistes sont interrogés sur ce qui, selon eux, constitue l’élément le plus important du cadre réglementaire devant permettre d’obtenir une acceptation sociétale.

 

Sans revenir sur un point précis, Jan Huitema insiste sur la nécessité de « créer de la confiance » dans le débat sur les biotechnologies à travers la mise en place d’un cadre. Pour lui, la confiance dépend de la perception des citoyens, laquelle ne peut être influencée uniquement grâce à des grands chiffres sur la productivité. Pour Jytte Guteland, le citoyen attend surtout que le législateur soit une garantie de sécurité : « si on veut utiliser les biotechnologies, il faut être sûr que le principe de précaution a été appliqué de façon vraiment sérieuse ».

 

Toutefois, Teresa Babuscio rappelle que la législation ne suffit pas toujours à faire accepter les choses, d’autant plus dans le secteur alimentaire, la nourriture étant intimement liée à l’émotion. Au-delà du cadre législatif, elle s’interroge alors sur ce qui pourrait être fait différemment pour s’adresser aux consommateurs. En tant que consommatrice, « [elle] voit que les nouvelles techniques sont bien, qu’elles ont un gros potentiel, mais qu’est-ce qu’elles [lui] apportent ? ». Il convient selon elle d’axer la communication sur les avantages pour les consommateurs, une promotion qui devrait être faite « à chaque maillon de la chaîne », par les entreprises et non pas seulement par les politiques.

 

Humberto Delgado Rosa suggère de son côté de ne pas « s’embrouiller » dans les discussions trop techniques, puisque, de toute façon, « la majorité se dira ‘il y a de la modification génétique dans tout ça’ ». Cette position témoigne au passage de la difficulté de communiquer sur des sujets complexes : faut-il vulgariser au risque d’être accusé de faire des raccourcis ou expliquer dans le détail et perdre la majorité de l’auditoire ?

 

L’incompréhension du grand public est aussi évoquée par Jan Huitema, qui déplore un a priori négatif : « les citoyens peuvent choisir [le sort des biotechnologies], mais si le débat commence avec des gens en blanc [comprendre des scientifiques ou pseudo-scientifiques] qui disent aux citoyens ‘ce n’est pas sûr’, ça ne va pas les aider ». Il faut donc non seulement prendre en compte les perceptions du grand public mais s’assurer que ces perceptions ne sont pas biaisées par l’un des deux camps.

 

Voir aussi :

Résumé du premier atelier.

Résumé du deuxième atelier.

 

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